nouvelles

nouvelles

SUR ALAIN GRAVEL 


Pas de commentaire

En tant qu’avocat, j’ai eu le mandat à quelques reprises d’examiner le travail effectué par Alain Gravel à l’émission Enquête qui faisait alors les belles cotes d’écoute de Radio-Canada. Chaque fois, j’ai été étonné de constater à quel point il était porté à déformer les faits. 

À l’époque, il était difficile de faire valoir une telle opinion sur cet homme encensé de toutes parts, recevant de nombreux prix et que l’on voyait partout. Il était devenu le nouveau shérif fédéral dans la ville. 

Pour tenter de mettre un tout petit peu d’ombre à sa superbe, par le seul moyen qui me restait, j’ai écrit deux livres Carnet d’un avocat et Dérives de la commission Charbonneau. Quel plaisir que d’écrire à d’autres personnes que des avocats ou des juges! Cela étant, je me trouvais cependant toujours bien seul avec mon point de vue sur le fameux personnage.

Aujourd’hui, je ne le suis plus. Je suis même en excellente compagnie.

Je le dois à monsieur Lee Lalli qui a eu la grande détermination de poursuivre en 2014 Gravel et Radio-Canada pour une émission sur lui en 2013. Cet homme a toute mon admiration. Aussi son avocate, Me Magali Fournier.

Dans leur jugement unanime, trois juges de la Cour d’appel, le plus haut tribunal au Québec, ont déterminé que l’enquête faite par Gravel sur monsieur Lalli était très mauvaise et sa diffusion diffamante. Remarquez que je n’ai pas été surpris de leur décision. 

Leur jugement de 47 pages a été prononcé après une révision des témoignages rendus lors d’un procès de huit jours, l’écoute attentive de l’émission, les plaidoiries orales et écrites des avocats de Gravel et R.C. payés à grands frais par nous, les contribuables.

Qu’ont-ils constaté et conclu?

D’abord ils décident que Gravel, en violation du Guide de déontologie des journalistes du Québec, du Guide des normes et pratiques journalistiques de la SRC et de la Loi, a enregistré illégalement, monsieur Lalli lors d’une rencontre avec lui, sans lui avoir dit qu’il enquêtait à son sujet. C’est une faute grave de la part d’un gagnant du Prix Judith-Jasmin. La pauvre a dû se retourner dans sa tombe.

Sur le reportage lui-même, les trois juges relèvent et dans le détail non pas une, pas deux, mais bien sept erreurs factuelles importantes et diffamatoires. C’est beaucoup pour un seul reportage.

Ils concluent : « En somme, Gravel a commis des fautes à la fois dans sa cueillette de l’information en ne respectant pas les normes journalistiques professionnelles et dans sa manière de présenter l’information. Le portrait des faits s’en trouve déformé. Il vise à raconter une histoire plus accrocheuse, plus sensationnelle, et plus intéressante qu’elle ne l’est réellement. » 

Si Gravel était membre d’un ordre professionnel, il serait radié. 

Radio-Canada le congédiera-t-elle ? Lui permettra-t-elle de poursuivre son émission hebdomadaire intitulée (ça ne s’invente pas) Les faits d’abord ? On attend.

J’ajoute que Radio-Canada est aussi complice avec Gravel d’une affaire encore plus grave dont on n’a pas cru bon de vous informer. 

Pendant de nombreux mois, la haute direction de cette société d’État a permis, dans le déshonneur complet, la diffusion à Enquête d’informations et d’enregistrements de l’UPAC qui n’étaient pas encore publics et qui ne le sont toujours pas. Dans Enquête, il n’y avait pas vraiment d’enquêtes journalistiques, mais plutôt des fuites policières tout à fait illégales. 

La diffusion de ces renseignements a même fait en sorte que de nombreuses accusations criminelles ont avorté, dont celles contre Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Coté…

Ces faits sont inacceptables dans une société de droit un peu évoluée. Pourtant nos journalistes se taisent. Et leur silence est inquiétant.

Louis Demers